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Ce délicat désenchantement du monde (29.09.09)

  Bonsoir...

Avec un peu de chance, ce cours aura ravivé votre goût pour Chateaubriand... comme adversaire résolu du rationalisme exacerbé !

J'ai commencé le cours par une petite synthèse du cours précédent ; mais j'ai terminé ladite synthèse par une remarque un peu rapide, qui ne doit pas vous perturber ; nous la recroiserons bientôt. Les 10 lignes qui suivent sont donc destinées aux plus curieux d'entre vous, qui se demanderaient qui est ce nouveau philosophe rapidement cité : Wittgenstein. Si ce nom ne vous dit rien qui vaille, vous pouvez passer à l'étape suivante sans passer votre tour. Dans le cas contraire... c'est parti !

 [La salle du jeu du manoir : nécessite 50 points de ruse et 80 points de bravoure

Je suis revenu sur la comparaison entre mathématiques et légo, en indiquant que l'avantage de cette image, c'est qu'elle permet de ne pas séparer "pièce du jeu" et "règle du jeu". Quand on joue aux légo, il n'y a pas d'un côté les pièces, et de l'autre les règles : ce sont les caractéristiques des pièces qui dictent les règles d'assemblage et de combinaison. Manipuler correctemment la pièce, c'est respecter les règles. En mathématiques, c'est pareil. Il n'y a pas d'un côté les définitions de concepts (cercle, racine carrée, etc.) et de l'autre les règles d'usage des concepts. Les caractéristiques des concepts impliquent la manière dont ils peuvent être assemblés avec d'autres concepts. Si vous avez bien compris la définition du O et celle de la division, vous comprenez que vous ne pouvez pas construire l'objet x/0. Comprendre un concept, c'est donc le manipuler correctement ; comprendre le concept de racine carrée, c'est comprendre qu'on ne peut pas écrire "racine carrée de -1" (dans l'ensemble des nombres réels) ; comprendre le concept de cercle et le concept d'angle, c'est comprendre qu'on ne peut pas parler "d'angle du rectangle", etc. Bref, de la même façon qu'aux légo les règles d'usage d'une pièce sont déterminées par les caractéristiques de la pièce, en mathématiques les règles d'usage du concept (les règles de combinaison du concept avec d'autres concepts) sont totalement déterminées par la définition du concept. "Comprendre" un concept mathématique (en saisir la signification) et "le manipuler correctement" (en faire un usage autorisé), c'est donc la même chose. Et cela vaut aussi (évidemment) pour les signes qui désignent ces concepts : comprendre la signification du signe "/", c'est comprendre qu'on ne peut pas écrire "/0". On pourrait donc dire que, en mathématiques, "la signification d'un signe  [comme celui de racine carrée, etc.], c'est l'ensemble de ses usages autorisés".  Et ça, c'est précisément la définition que donne Wittgenstein de la signification...

Pas de quoi fouetter un chat ? Un simple jeu avec les mots ? De l'ergotage d'érudit errant de façon erratique ? Voilà : vous venez de faire connaissance avec l'une des branches les plus particulières de la philosophie contemporaine, qu'on appelle "philosophie analytique" ! C'est exactement le genre de choses qui a fait passer les nuits blanches (mais si) à certains de vos profs de philo.  Ca n'a l'air de rien, mais le petit paragraphe qui précède implique pas mal de choses, dont il n'est pas sûr que tous les mathématiciens les acceptent avec enthousiasme. Par exemple, qu'il n'y a pas de vérité absolue en mathématiques, que les mathématiciens ne "découvrent" pas de théorèmes mais les invente... et beaucoup d'autres choses amusantes. Vous expliquer pourquoi nous emmènerait un peu loin du programme ; mais cette première approche devrait suffire à éclairer d'un jour particulier le cours (qui aura lieu bientôt) sur la démonstration. 

Vous avez suivi ? Bravo ! Vous gagnez 40 points de ruse et 20 points de bravoure ; par contre vous êtes fatigué : buvez une potion de Mana]

Bien, reprenons. Ce que nous avons mis en lumière aujourd'hui, ce sont les enjeux du processus de rationalisation. La matrice de tous les enjeux est évidemment le fait que la rationalisation du monde sensible permet de fonder l'agir humain dans et sur ce monde sensible sur la raison humaine.

Le premier avantage, c'est le gain d'objectivité. Si je traduis la situation concrète d'un jeu de hasard (et d'argent) comme le loto en termes de probabilités mathématiques (je compare l'ensemble des situations possibles avec l'ensemble des situations activées par le joueur), je vois clairement qu'il faut en moyenne, en jouant une grille 4 fois par semaine, 140 000 ans pour gagner le plein tirage (trouver les 6 numéros) ; et que, même en jouant 140 000 ans (ce qui est rarement le cas), on perd en moyenne 55 centimes d'euros par euro joué. On comprend mieux pourquoi, en France, les jeux de ce type sont absolument interdits... c'est-à-dire forment un monopole d'Etat (La Française des Jeux) ; même si Bruxelles semble remettre en cause ce monopole ces derniers temps.

Traduire une situation concrète en situation conceptuelle-logique, c'est donc tenir à l'écart les fantasmes, les illusions, qu'il s'agisse d'illusions de la perception (les approximations ou illusions d'optique pour le géomètre ou l'architecte disparaissent lorsqu'il adopte une représentation géométrique de l'espace) ou d'illusions émotionnelles ("bah oui mais il y en qui gagnent alors pourquoi pas moi ?"). ce qui n'est déjà pas si mal.

Par ailleurs nous avons montré que la rationalisation permettait d'expliquer les phénomènes naturels (j'explique le dégagement de gaz carbonique suite à une combustion de méthane par l'équation CH4 + 2 O2 à CO2 + 2 H2O qui me montre comment, sur quels mécanismes repose ce rapport entre combustion de méthane et dégagement de gaz). Nous avons ensuite montré comment la rationalisation permettait de comprendre les phénomènes naturels en leur donannt un sens saisissable par la raison. La rationalisation permet de comprendre pourquoi un phénomène est tel qu'il est : ainsi, pourquoi le ciel est-il bleu ? pourquoi les couchers de soleil sont-ils rouges ? La représentation du système soleil-atmosphère-terre sous la forme d'ondes et de particules permet de comprendre que, du fait de la diffusion de Rayleigh, les couleurs à courte longueur d'ondes (bleu, vert) sont plus diffusées dans l'atmosphère que les couleurs à grandes longueurs d'ondes (rouge, jaune). D'où le fait :

a) que le ciel (l'atmosphère) nous paraisse bleu (diffusion de la lumière bleue)

b) que les couchers de soleil soient rouges : les rayons solaires ayant une grande distance à parcourir dans l'atmosphère avant de nous parvenir, les couleurs qui "parviennent à destination" (c'est un peu cavalier, comme présentation, mais bon) sont celles qui se sont peu diffusées en cours de route (grandes longueurs d'onde).

Nous avons conclu notre démarche en montrant que l'aboutissement de la rationalisation, c'était son application technique. La rationalisation du monde sensible permet en effet de prévoir et d'agir rationnellement surl es phénomènes naturels. En rapportant les phénomènes naturels à des lois  (à des relations logiques entre concepts, comme les équations chimiques, la formule U = RI, etc.), on peut soit anticiper les phénomènes (en utilisant la loi), soit agir sur eux (en utilisant le mécanisme mis en lumière). Ainsi, la rationalisation de l'efficacité du fumier de vache sur les récoltes (la présence d'azote, de phosphore et de potassium dans le fumier favorise les processus de croissance des végétaux) permet de construire de façon artificielle des engrais puissants : les engrais chimiques NPK.  

Nous poursuivrons là-dessus demain, avec le texte de Bigelow. Bonne nuit !

 

 

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