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Faux et usage du faux (10.11.09)

 Bonsoir,

Petite nouvelle : le site vient de fêter aujourd'hui ses 1000 visites... et dire qu'il y a des gens pour dire que la philo n'intéresse personne ! Il est vrai que la pratique philosophique s'accorde à merveille avec le (nouveau) monde du web, puisque Socrate la caractérisait déjà par sa gratuité...

Nous avons développé aujourd'hui la méthode de validation propre aux sciences de la nature, appelée "méthode expérimentale".

A l'aide d'un texte classique de Claude Bernard (qui se trouve ici), nous avons mis en lumière les quatre étapes de la démarche expérimentale.

     a) l'observation des phénomènes ;

Cette étape est décisive : le fait qu'il s'agisse de l'étape n° 1 nous indique qu'il ne saurait y avoir de science que de ce qui s'observe, se manifeste, se constate ; bref, il n'y a de science que fondée sur des faits. Attention : nous ne devons pas en conclure trop vite que toute entité inobservée devrait être exclue du champ du savoir scientifique ; si la tentation est forte d'opposer cet argument à la psychanalyse (l'inconscient est par définition inaccessible à l'observation directe), on ne doit pas oublier que les atomes, les électrons, les protons et autres quarks n'ont, eux non plus, jamais été "vus" directement (seules des "traces" de leur présence ont pu être observées). Et la physique contemporaine nous dit même qu'ils sont par nature invisibles par des moyens optiques... L'idée importante est donc ici qu'une entité ne peut être admise et étudiée scientifiquement que si son existence et son comportement sont dérivés (directement ou indirectement) de l'expérience, c'est-à-dire de l'observation des phénomènes.

     b) la construction d'une hypothèse ;

L'hypothèse découle d'un double processus d'analyse et de généralisation à partir des observations. Le scientifique discerne des régularités, des ressemblances, des analogies, des isomorphismes, etc. dans les phénomènes observés. Il peut s'agir de ressemblances strictes dans les séquences de faits ("jusqu'à présent, l'événement A est toujours suivi de l'événement B ") ou de simples analogies (ressemblances de structure : "les mesures (n) et (n + 1) ont toujours été dans un rapport de 1 / 3" ).  L'hypothèse est le résultat d'un processus de généralisation de ces régularités : on passe du constat "jusqu'à présent A a été suivi de B" à la loi générale : "A est toujours suivi de B ". Une hypothèse scientifique, selon Claude Bernard, est donc la généralisation sous forme de loi de régularités manifestées par les observations.

Ces deux étapes sont communes à la quasi-totalité des animaux, et définissent ce que l'on appelle "l'induction". L'induction désigne le processus par lequel une loi générale est formulée à partir d'observations répétées. Ainsi, le lapin est un animal qui fait de l'induction : lorsque l'on place un lapin dans un cage et que l'on fait (plusieurs fois) retentir une sonnerie suivie d'une décharge électrique, à la troisième sonnerie la mesure du taux de stress du lapin (battements cardiaques, état du poil, etc.) montrent que le lapin a formulé une prédiction sur la base d'une hypothèse induite (la sonnerie a été, est et sera toujours suivie d'une décharge). Pauvre lapin.

Les vaches aussi font de l'induction. Heureusement d'ailleurs, sans quoi toutes les clôtures seraient par terre depuis longtemps. Ce qui fait que les clôtures sont encore debout, c'est que les vaches, ayant (de force, bien souvent) observé à plusieurs reprises qu'un contact avec la clôture était suivi d'une sensation vivement déagréable... ne s'en approchent plus. Elles ont généralisé sous forme de loi une relation de consécution régulièrement observée, ce qui leur a permis de formuler (plus ou moins consciemment, il est vrai) des anticipations sur la base de cette hypothèse.

      c) la mise au point et la mise en oeuvre d'une expérience-test ;

Ce qui caractérise la méthode expérimentale, c'est que les hypothèses formulées sont testées  expérimentalement. Ce qui signifie que le scientifique doit imaginer et réaliser une expérience qui lui permettra de déterminer si son hypothèse peut être considérée comme valide. L'idée est donc de mettre au point un dispositif expérimental au sein duquel on provoque des phénomènes pour évaluer la conformité des résultats obtenus avec les résultats prévus sur la base de l'hypothèse. Il ne s'agit plus ici d'observer la nature, mais de la questionner. Bien évidemment, le dispositif expérimental aura d'autant plus de valeur que le résultat obtenu sera lié à la validité de l'hypothèse. Le dispositif idéal serait le dispositif expérimental au sein duquel la coïncidence des résultats anticipés et des résultats obtenus ne pourrait être expliquée QUE par la validité de l'hypothèse envisagée, à l'exception de toutes les autres. Il s'agirait alors d'une "expérience cruciale"... ce que la tradition scientifique appellait "l'experimentum crucis" (la formule est du philosophe du XVI° siècle Francis Bacon). Qu'il puisse exister de véritables "experimentum crucis", nous le verrons plus tard ; l'idée importante ici que c'est au dispositif expérimental de tester la validité de l'hypothèse.

     d) l'observation des résultats obtenus (dans l'expérience-test)

Il va de soi que, d'un point de vue formel (= abstraction faite du contenu observé), l'étape 4 est rigoureusement identique à l'étape 1.  C'est précisément ce que souligne Claude Bernard, pour lequel la démarche scientifique part de et finit par l'observation. La démarche scientifique s'appuie sur les faits pour y revenir. Les faits sont à la fois le support des hypothèses scientifiques (le matériau à partir duquel elles sont élaborées) et leur critère (ce qui permet d'en tester la validité).

Par ailleurs, ce dédoublement de l'observation est ce qui garantit le caractère cyclique, perpétuel de la recherche scientifique, puisque le point d'arrivée d'une recherche constitue le point de départ de la suivante.

 Je continuerai demain...

 

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